DIGILEC Revista Internacional de Lenguas y Culturas
* Facultad de Educación. Campus de Albacete. Email: alfredo.segura@uclm.es
** Facultad de Humanidades. Campus de Albacete. Email: profesor.nnunez@uclm.es
Digilec 10 (2023), pp. 20-35
Fecha de recepción: 30/05/2023
Fecha de aceptación: 12/09/2023
DOI: https://doi.org/10.17979/digilec.2023.10.0.9691
e-ISSN: 2386-6691
LA LITTÉRATURE DU FLE À L’ÉPREUVE DE LA PERSPECTIVE
ACTIONNELLE : ÉTAT DES LIEUX
THE FLE’S LITERATURE IS ACTIONALLY TESTED: THE STATE
OF PLAY
Alfredo SEGURA TORNERO*
Universidad de Castilla-La Mancha
Orcid: https://orcid.org/0000-0003-0818-517X
Nadine NUÑEZ MORINI**
Universidad de Castilla-La Mancha
Orcid: https://orcid.org/0009-0000-5799-7444
sumé
La présente étude vise à présenter un état des lieux de l´enseignement-apprentissage de
la littérature en classe de FLE (Français langue étrangère) qui a connu une trajectoire
assez tortueuse. Nous concevons cet article comme un parcours du texte littéraire en tant
que ressource didactique. Notre démarche nous permettra de découvrir si le passage de
l´appréciation littéraire se conçoit une fois que l´on domine la langue. Il serait donc
intéressant d´examiner la place de la littérature dans le CECR et d´analyser ensuite les
matériaux didactiques qui en découlent.
Pendant une longue période, la littérature a été banalisée par ceux qui ne reconnaissaient
pas sa spécificité ou sacralisée par d'autres qui la considéraient comme un objet
inaccessible. Pourrait-on considérer une troisième voie dans laquelle les textes littéraires
pourraient jouer un rôle décisif? Oubliée par le CECR (Cadre européen commun de
référence) et considérée le plus souvent comme une option pédagogique où le texte
littéraire était au service d’autres disciplines, la publication du Volume complémentaire
en 2018 semble marquer un tournant vers son inclusion définitive avec la création de
descripteurs spécifiques. Sans oublier les antécédents, la grandeur et la décadence, il
semblerait légitime de se demander quelles sont les contributions de la perspective
actionnelle CECR et Volumeà la didactique de la littérature.
Mots clés: littérature; FLE, perspective actionnelle; bas niveaux; nouveaux descripteurs
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Abstract
The present study aims to present an inventory of teaching-learning literature in FLE
(French as a foreign language) which has experienced a rather tortuous trajectory. We see
this article as a journey through the literary text as an educational resource. Our approach
will allow us to discover whether the passage of literary appreciation is conceived once
one dominates the language. It would therefore be interesting to examine the place of
literature in the CEFR and then to analyze the didactic materials that result from it.
For a long time, literature was trivialized by those who did not recognize its specificity
or sacred by others who considered it an inaccessible object. Could we consider a third
way in which literary texts could play a decisive role? Forgotten by the CEFR (Common
European Framework of Reference) and considered most often as an educational option
where the literary text was at the service of other disciplines, the publication of the
Companion Volume in 2018 seems to mark a turning point towards its definitive inclusion
with the creation of specific descriptors. Without forgetting the background, the
greatness, and the decadence, it would seem legitimate to ask what the contributions of
the action perspective are - CEFR and Companion Volume - to the didactics of literature.
Key Words: literature; FLE, action-oriented approach; low levels; new descriptors
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1. INTRODUCTION
Notre propos est de présenter dans cette étude quelques pistes de réflexions en ce
qui concerne l’enseignement-apprentissage de la littérature du FLE1. Déjà en 1995
Mireille Naturel nous rappelait à juste titre que la littérature dans la didactique du français
langue étrangère était à l´ordre du jour, qu’elle était d´actualité, qu’elle suscitait, en effet,
depuis quelques années un certain intérêt : «On la cite, on s’y réfère, on la vénère…après
l´avoir si longtemps bannie, accusée de tous les maux, le plus grave était qu´elle ne
permettait pas de communiquer» (Naturel, 1995, p 3). Depuis l’arrivée du CECR en 2001,
on observe que c´est l´enseignement qui est au service de l´apprentissage et non le
contraire. Et désormais, la méthodologie va donc être centrée sur l’apprenant, qui prend
un rôle actif dans son apprentissage devenant un acteur social: il communique, mais il va
au-delà de la communication, il agit. Néanmoins, centré sur l’action, le Cadre ne
considère pas l´enseignement-apprentissage de la littérature comme primordial.
D´ailleurs, cette négligence est renforcée par la mise à jour dans son Volume
complémentaire (Conseil de l’Europe, 2018)2. De plus, dans le Volume, la création de
nouveaux descripteurs pour la lecture et l´interprétation du texte créatif fait en sorte que
le locuteur ne soit pas qu´un acteur direct, mais aussi un facilitateur.
Bien avant la naissance du CECR on retrouve toute une série de statuts reliés à la
littérature, en fonction des circonstances dans lesquelles on l’enseigne: objet de culte non
périssable, insignifiante, excuse pour apprendre la langue, etc. Nous savons que les
méthodes changent en fonction des besoins des apprenants, toutefois, il serait judicieux
de se demander quels sont les apports de l’approche actionnelle -Cadre et son Volume- à
la didactique de la littérature du FLE et quels ont été les défis relevés pour répondre à un
monde en constante évolution.
2. PARCOURS DU TEXTE LITTÉRAIRE COMME RESSOURCE
Nous concevons cet article comme une « petite randonnée d´entrainement » comme
nous disait Christian Puren:
Le parcours de la didactique des langues-cultures nous a amenés en trois quarts de siècle
depuis la méthodologie active et son activité de référence, l’explication de textes littéraires,
1 Cette recherche s’est effectuée au CLA (Centre de Linguistique Appliquée) de l’Université Franche-
Comté lors d’un séjour de recherche en juillet 2022 financé par l’université de Castilla-La Mancha. Les
auteurs tiennent à remercier Carlos Tabernero, directeur du CLA, ainsi que tout le personnel pour son
accueil chaleureux. Plus particulièrement, le professeur de littérature Jean Marie Frissa qui nous a fourni
les outils nécessaires et qui a été notre première source d’inspiration.
2 Ce volume complémentaire du CECR élargit la portée de l'enseignement des langues, reflétant l'évolution
académique et sociale. Il représente une étape décisive dans le Conseil de l´Europe au profit de l'éducation
linguistique, visant à promouvoir la diversité culturelle et linguistique en faveur de l´éducation et
l´apprentissage de plusieurs langues. Il encourage également le droit à une éducation de qualité tout en
impulsant le dialogue interculturel, les valeurs sociales et démocratiques.
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jusqu’à l’actuelle perspective actionnelle, et il m’a semblé que le moment était propice pour
organiser une petite randonnée d’entraînement de l’une à l’autre (Puren, 2006, p.2).
Il nous semble pertinent de commencer notre propre parcours à partir de 20013, lors
de la création du CECR qui représente un renouveau dans la didactique des langues
étrangères, sans oublier pour autant de connaître au préalable le territoire que nous allons
visiter, pour y découvrir les enjeux du texte littéraire ainsi que les conséquences des
mesures défendues par le CECR et son Volume complémentaire dans la conception de
manuels. Les principes directeurs de l´enseignement d´une langue sont basés sur
l´apprentissage de la communication pour que l´apprenant en langue étrangère devienne
un acteur social et puisse accomplir des actions quotidiennes et faire face à des situations
de la vie courante. Notre objectif en tant qu´enseignant de FLE est donc de fournir à nos
élèves les bases linguistiques suffisantes pour communiquer. Néanmoins, parler de
littérature n´est pas incompatible avec le fait de communiquer en langue étrangère, car à
travers la littérature nous pouvons parler de nous, mais aussi d´autrui. Comme il n’est
pas non plus incompatible de parler de littérature en FLE.
Cependant, une certaine affection pour le littéraire effleure depuis une quinzaine
d’années. Cet intérêt se traduit par des publications récentes sur le sujet: anthologies,
livres de lecture facile et inventaire de ressources en ligne. Nous avons choisi d´observer
différents outils qui, chacun à leur manière, vont peaufiner notre recherche sur le texte
littéraire et ses visées et nous permettre ainsi d’enrichir notre vision des études littéraires.
C´est pourquoi les sources que nous avons consultées se centrent essentiellement à partir
de l´année 2001, date de parution du Cadre. Certes, après 1982 le séminaire de chercheurs
(Jean Peytard, Daniel Coste et Henri Besse, 1982) du CREDIF4 et du BELC5, considéré
comme emblématique dans la quête d’un renouveau dans la didactique de la littérature, a
donné naissance en 1988 à l’ouvrage de Peytard Littérature et classe de langue. Dès lors
une époque de stagnation a commencé où peu d´ouvrages ont été publiés sur la matière.
Pour mener à bien cette recherche, nous avons pris comme référence la base de
données du Centre de ressources d´ingénierie documentaire du CIEP6 en 2014, sous la
direction de Bernadette Plumelle (2023), ouvrage intitulée La littérature en classe de
3 Pour cette recherche bibliographique nous avons consulté les riches fonds de la médiathèque Armand
Robin du CLA à Besançon proposant plus de 20000 références de documents et un catalogue de 1500
références en ligne.
4 Le CREDIF prend le relais d’un centre d’étude du français élémentaire fondé para G. Gougenheim en
1951. Le CREDIF (Centre de recherche et de diffusion du français) a été créé en 1958 (arrêté du 1 déc.).
Dirigé par L. Porcher, puis J. Cortès, ce laboratoire s’intéresse à la recherche, à l'étude en didactique des
langues étrangères et la diffusion du français, langue étrangère. Ses ouvrages ont connu une large diffusion
au monde entier.
5 Le BELC est le Bureau d'enseignement de la langue et de la civilisation française à l'étranger. Il a été créé
en 1967 et sa mission est de contribuer à la formation continue des professionnels de l'enseignement du
français dans le monde. Piloté par France Éducation International, le BELC veut répondre aux constantes
évolutions du français langue étrangère. https://www.france-education-international.fr/belc?langue=fr.
6 Centre international d´études pédagogiques, du ministère de L´Education nationale, fondé en 1945 et a
comme finalité la coopération internationale, ses objectifs sont structurés en trois parties : la coopération
en éducation, les soutiens à la promotion de la langue française ; la mobilité entre pays, et la certification
en FLE. Les ressources dans lesquelles nous avons puisées nos références sont deux, tout en sachant que le
CIEP est devenu France International Éducation en 2019 sous le mandat de Jean-Michel Blanquer.
https://www.france-education-international.fr/.
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FLE: nouveaux enjeux, nouvelles pratiques qui propose de manière exhaustive les
nouveautés en littérature FLE de 2006 à 2014:
Les publications de ces dernières années traduisent un regain d’intérêt pour le texte
littéraire, considéré comme une ressource authentique différente par sa richesse culturelle,
sa dimension esthétique et sa force émotive. […] Cette sélection bibliographique s’en fait
l’écho avec des ressources récentes sur le sujet (CIEP, 2014, p.1).
D´autre part, le site LISEO7 de France Education International offre une
bibliographie thématique élaborée par année de parution, qui nous permettra de compléter
notre étude de 2014 à 2022. Comme nous avons dit auparavant, la didactique de la
littérature est au cœur des recherches ces dernières années. Au total, 53 publications
depuis 2018 : 15 en 2018, 13 en 2019, 13 en 2020, 4 en 2021, 8 en 2022. Parmi les
contributions trouvées correspondant à nos critères, quelques-unes ont été sélectionnées
en raison de leur intérêt.
Jean Marc Defays nous présente dans son ouvrage La littérature en FLE : état des
lieux et nouvelles perspectives les enjeux du texte littéraire pour la classe de FLE avec
des propositions didactiques. L´un de ses points remarquables est sa classification des
textes classiques. Encourageant ainsi l´apprentissage de la littérature dès les plus bas
niveaux. À souligner en annexe un tableau synoptique des œuvres citées selon leur
exploitation envisageable par niveau. Ainsi que l’exhaustive étude sous la direction de
Anne Godard en 2015 La Littérature dans l’enseignement du FLE, ouvrage proposant
une vaste vision théorique de la littérature en FLE à partir de la création du CECR, car
comme elle-même affirme dans son introduction « Les travaux en didactique du français
langue étrangère, depuis la parution du CECR ont réservé une place très réduite à la
littérature, et peu d´ouvrages d´ampleur ont été consacrés à son enseignement » (Godard,
2015, p. 15). Le même axe de travail présente Sophie Morel (2012) dans son état des lieux
qui est d´autant plus intéressant qu´il propose une mise à jour entre l´enseignement de la
littérature et les langues en se penchant notamment sur le CECR. Sa proposition de tâche
littéraire et sa mise en œuvre en classe serait la solution pour une conciliation entre de
nouveaux enjeux liés au CECR et à la littérature. Et l´étude d´Estelle Riquois (2010) nous
permet clairement d´observer quelles ont été les conséquences des mesures soutenues par
le CECR dans la conception des manuels qui se basent sur l´approche dite actionnelle.
Pour conclure, l'œuvre de Marie Claude Albert et Marc Souchon (2020) propose de
manière pertinente une troisième voie, qui évite à la fois la banalisation et la sacralisation,
offrant ainsi aux textes littéraires la possibilité de jouer un rôle significatif dans
l'apprentissage d'une langue étrangère. La considération de la littérature comme une
forme de communication particulière serait pour Albert la clé de voute pour que le texte
littéraire retrouve sa place grâce à son caractère discursif.
Quatre étapes sont prévues le long de notre parcours:
a. Langue et littérature, deux mots gouffre qui ne se laissent pas appréhender
b. Grandeur, décadence et renouveau
7 https://liseo.france-education-international.fr/
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c. Le Cadre, quelle place pour la littérature
d. Le Volume complémentaire
3. LANGUE ET LITTÉRATURE, DEUX MOTS GOUFFRES QUI NE SE
LAISSENT PAS APPRÉHENDER
Banalisée par ceux qui ne reconnaissent pas sa spécificité comme texte littéraire,
ou sacralisée par ceux qui la dessinent comme un enseignement patrimonial et dès lors,
inaccessible, la littérature a eu « des phases d´abondance et de disette entre sacralisation
et désacralisation» (Morel, 2012, p. 141). Apprend-on la langue par la littérature ou c’est
la littérature qu’il faut apprendre à travers la langue? Telle est la problématique sous-
jacente soulevée par Coste en 1982 (Coste, 1982, p. 59). Peytard et Séoud (1997)
semblent répondre, d´une manière implicite, à cette problématique. J. Peytard (1988),
dans son article sur le français dans le monde, évoque un endroit de recherche
linguistique:
Le texte littéraire est un laboratoire langagier, où la langue est si instamment sollicitée et
travaillée, que c’est en lui qu’elle révèle et exhibe le plus précisément ses structures et ses
fonctionnements. Littérature, non pas, non plus, comme «supplément culturel», mais assise
fondatrice de l’enseignement de la langue. (p. 16)
Peytard parle du texte littéraire comme laboratoire langagier, c´est-à-dire comme
un lieu idéal pour l´apprentissage d´une langue car il présente la langue au travail, favorise
la communication et représente un bon entrainement pour observer des structures
grammaticales. Mais il nous met en garde, le laboratoire langagier peut se transformer en
«effet réservoir» lorsque le texte est utilisé pour l´exploitation lexicale et syntaxique ou
en «effet communion» lorsqu´il est transformé en page limpide linguistiquement en fin
d´unité didactique comme conclusion, comme si sa fonction était de nous bercer voire de
nous endormir. Il prône, en définitive, la littérature non pas comme dossier culturel à la
fin d´un manuel mais comme base de l´enseignement de la langue. La littérature se
définirait-elle par le mot aboutissement? Celle qui conclut nos séquences didactiques et
celle qui apparait pour conclure comme un couronnement notre apprentissage de la
langue. Comme si celle-ci ne pouvait s´introduire dès les premiers niveaux. Cette
sacralisation la rend souvent inaccessible, inappréciable voire inabordable. Séoud
défendait déjà en 1997 qu’on arrivait même à penser que la maitrise de la langue devait
précéder celle de la littérature, c´est pourquoi le passage de l´appréciation littéraire se
conçoit une fois que la domination de la langue nous le permet. Baraona (2010) ira dans
le même sens:
La seconde est par ailleurs plutôt subordonnée aux nécessités imposées par la première,
dans la mesure que pour goûter un texte littéraire ou du moins pour en comprendre le sens
global il faut souvent avoir acquis un bagage linguistique mais aussi culturel considérable.
(p. 8)
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Telle est l´antagonique situation entre langue et littérature considérées comme «des
mots gouffres qui ne se laissent pas appréhender» (Naturel, 1995, p. 3). Jacques Cortès,
ancien directeur du CREDIF (1977986), résume à la perfection le rôle du texte littéraire
avec deux adjectifs, puisés dans l´œuvre de Peytard, ‘insistante et irrépressible’, lors d´un
séminaire de sémiotique littéraire du CREDIF, animé par Peytard, à la fin des années 70.
Son allégation, en faveur du texte littéraire, commence par une constatation. En effet, le
texte littéraire jouit vraisemblablement d´une place appréciable dans la classe de FLE.
Cependant, il se vaut de l´ensemble du syntagme, insistance et irrépressible, qui
appartient à une catégorie énonciative d´opposition appelée pour Peytard des entailles du
métalangage, pour dénoncer explicitement la situation du texte littéraire et son utilisation
pédagogique. Assurément, la présence du texte littéraire en classe de FLE est de nos jours
indubitable, mais nous devons aller au-delà et nous questionner sur quelle serait son
application dans nos cours.
4. GRANDEUR, DÉCADENCE ET RENOUVEAU
Retracer de manière concise l´évolution du texte littéraire à travers les différentes
méthodologies, ce que Mireille Naturel (1995, p. 17) a défini en trois grandes périodes:
grandeur, décadence et renouveau, nous aidera à mieux comprendre ce qui est débiteur
dans les nouvelles approches de l'enseignement de la littérature qui émergent après la
consolidation de la perspective actionnelle, bien qu’il reste un long chemin à parcourir.
Cependant, la relation de la littérature dans les trois méthodologies, grammaire-
traduction, méthodologie directe et active, diffère assez. Les méthodologies dites
traditionnelles ou méthode grammaire-traduction attribuaient au texte littéraire une
fonction formatrice et morale de l´individu. C´est par la traduction que l´apprentissage se
faisait et on apprenait les langues étrangères comme on apprenait le latin. La belle
littérature des grands auteurs patrimoniaux avait donc pour mission de participer à la
formation de l´individu. Les valeurs humaines, placées au-dessus de toutes les autres
valeurs, étaient une méthode ancienne de formation centrée sur les humanités et la
littérature était conçue comme l´aboutissement de l´apprentissage d´une langue.
De 1880 à 1925, la méthode directe bannit la méthode grammaire-traduction,
favorisant la méthodologie orale et la communication. L’enseignement du lexique se
réalise sans passer par la traduction et l´oral surpasse l´écrit. Les documents culturels,
comme la littérature, servent à mieux apprécier le patrimoine français. Par la suite, la
méthode active favorise l´apprentissage de la langue. Le texte littéraire, qui représente un
savoir linguistique et culturel, est utilisé pour réviser le vocabulaire et travailler la
grammaire. Le texte littéraire intègre des savoirs linguistiques et culturels. La culture
comme patrimoine joue un rôle fondamental. À partir des années 60, avec la méthode
SGAV (Structuro-globale audio-visuelle), les structures simplifiées sont mises en avant
au détriment du texte littéraire jugé trop difficile:
Par exemple, les cours SGAV, adoptés dans les Alliances Françaises, par la volonté du
ministère des Affaires étrangères, font délibérément l´impasse sur les textes littéraires, et
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d´une manière générale, développent peu de propositions sur l´écrit et sur les contenus
culturels (Godard, 2015, p. 26).
Pendant cette période le CREDIF et le BELC ont publié de nombreux ouvrages et
offert de nombreuses formations. À partir de 1980, avec l´approche communicative, le
texte est de retour dans les séquences didactiques. Préconisant les documents
authentiques, le texte littéraire est mis au même niveau que les recettes de cuisine ou les
annonces dans les journaux. En définitive, la spécificité du texte littéraire n´est pas
reconnue. «Dans ce contexte majoritairement utilitariste, le texte littéraire ne saurait avoir
la côte». (Morel, 2012, p. 142). Cependant la littérature reviendrait à part entière dans
l´apprentissage du FLE, grâce à l´approche actionnelle préconisée par le CECR.
L´apprenant se transforme en acteur social, c´est-à-dire en une personne agissant pour
accomplir une tâche qui développe une posture de lecteur grâce à l´exploitation du texte
littéraire. Selon Puren (2020), la perspective actionnelle apporte un renouvellement et un
enrichissement didactique des textes didactiques par un traitement spécifique de la
littérature des logiques documentaires et dont l´action de référence est le projet.
5. LE CECR, QUELLE PLACE POUR LA LITTÉRATURE
Le panorama dressé met vraisemblablement en évidence l´invisibilité du texte
littéraire sur lequel insistait déjà Peytard. Mais, en est-il ainsi depuis la création du CECR
en 2001 et son pilier fondamental, l´approche actionnelle? En quoi le renouveau en
didactiques des langues va être favorable ou défavorable au texte littéraire? Va-t-il
continuer à être le parent pauvre de la littérature? Notre propos dans cette partie vise à
analyser de près, en premier lieu, quelle est la place de la littérature, ce qui nous permettra,
dans un second lieu, de faire une analyse du matériel pédagogique qui en découle. Si nous
observons de plus près ce que nous dit le Cadre, la littérature y est considérée comme un
bien patrimonial, c´est-à-dire comme un ensemble de biens reçus, qu´il faut transmettre
de génération en génération. En définitive, un héritage appartenant au patrimoine culturel
d´un ou de plusieurs pays. Cet ensemble de biens, d´une grande valeur, est d´autant plus
inappréciable qu´il est impossible à estimer. Notre devoir est de le sauvegarder pour que
ses bienfaits ne s´épuisent et à nous d´en garantir sa transmission de générations en
générations. Sa composante culturelle fait de la littérature un outil inestimable à multiples
fins pédagogiques:
Les littératures nationale et étrangère apportent une contribution au patrimoine culturel
européen que le Conseil de l´Europe voit comme une ressource commune inappréciable
qu´il faut protéger et développer. Les études littéraires ont de nombreuses finalités
éducatives, intellectuelles, morales, affectives linguistiques et culturelles et pas seulement
esthétiques (Conseil de l’Europe, 2001, p. 47).
La littérature est donc un pilier fondamental dans la formation de l´individu qui
permet de développer une faculté de pensée critique et une certaine appréciation
esthétique. À ce sujet, Anne Sophie Morel (2012, p.143) pense que la littérature n´est pas
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mise à l´écart. Elle souligne que du fait qu´elle soit associée à d´autres compétences
culturelles elle occupe une place moindre.
Après une lecture attentive, nous observons que celle-ci apparaît dans les chapitres
3 et 4 du CECR. Les descripteurs y sont relativement limités en ce qui concerne les textes
littéraires. Ils se révèlent souvent inexistants, voire inadaptés. Le fait que le texte littéraire
soit introduit à partir du niveau B2, nous interpelle. Doit-on en déduire, pour autant, que
le texte n´est pas bien venu avant? Pour quelles raisons? En outre, le quatrième chapitre,
qui porte sur l’utilisation esthétique et poétique de la langue, fait référence au texte
littéraire mais aussi aux différents genres textuels. Néanmoins, la littérature classique est
exclue en faveur des œuvres modernes. Nous reprenons l´idée de Godard (2015), à ce
sujet, qui affirme «qu´ils reconnaissent eux-mêmes à demi-mot, comme pour s´en
excuser, cette mise en retrait du littéraire. […]» (p. 133). Et nous en déduisons donc que
le texte littéraire qui était traditionnellement sacralisé passe à être banalisé dans nos
pratiques pédagogiques. Il perd peu à peu sa place au service de la langue. On ne sait
comment l´aborder dans nos séquences didactiques. Nous avons noté préliminairement
l´antagonisme entre langue et littérature. De ce fait, la littérature représente souvent un
couronnement une fois que nous dominons la langue et que le passage à l´appréciation
littéraire n´est concevable qu´une fois solidement établis les fondements de la langue.
De nombreux auteurs prônent depuis des dizaines d´années l´apprentissage de la
littérature dès les premiers niveaux, chacun d’eux pour des raisons différentes. Bertrand
(1988) affirme que le plus tôt possible en choisissant des textes à la portée des apprenants
débutants: «Nous allons répondre que le plus tôt est le mieux en choisissant des textes à
leur portée. Avec un peu de patience, on peut trouver des textes accessibles aux
débutants» (p.14). Cuq, à ce sujet, dans son Dictionnaire de didactique du français langue
étrangère et seconde, parle «d´un certain nombre de bigarrures» (1990, p. 159) qui
caractérisent l´ensemble des méthodes et manuels, d´autant plus que le CECR réserve une
place ambigüe au texte littéraire et semble même le reléguer aux niveaux avancés à partir
du B2. Dans Le dictionnaire pratique de didactique du FLE, Robert (2008) dans son
article 59, dédié à la littérature ajoute : «Les échelles du CECR proposent une approche
graduée de l´apprentissage de la littérature. Cet apprentissage ne commence qu´au niveau
B2 et se limite, à ce niveau à la lecture d´un texte littéraire contemporain en prose»
(p.123). Roser Cervera (2009) y introduit le terme corpus littéraire:
Il est bon d’introduire les textes littéraires dans la classe le plus tôt possible et d’y maintenir
leur présence tout au long de la période d’apprentissage. C’est pourquoi, le professeur devra
tenir compte des différents niveaux linguistiques et de l’hétérogénéité de ses apprenants
pour décider le corpus littéraire (p. 46).
Isabelle Gruca signale l’erreur encore récurrente de placer la littérature sur un
piédestal : «On a trop tendance en didactique des langues soit à sacraliser le texte littéraire
en le réservant aux niveaux avancés ou en le proposant comme un surplis ou une sorte de
privilège, soit à dévaloriser l´apprenant étranger en le considérant comme inculte ou
inadapté à accéder aux textes littéraires» (2010, p. 23).
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Reine Barthelot (2011, p. 51) soutient l’idée que la littérature peut être abordée dès
le niveau A2 et suggère l’utilisation de textes issus de la francophonie.
Pour sa part, Anne Godard est convaincue des bienfaits de la littérature dès le début
de l’apprentissage, comme plaisir mais aussi enrichissant en tant que formation : «Nous
considérons légitime d´utiliser la littérature pour autre chose qu´elle; à travers elle, en
effet, la matière de la langue autant que des formes de la culture sont données à sentir, à
goûter et à comprendre, ce qui est, dès les premiers niveaux, non seulement motivant,
mais formateur» (2015, p. 6).
5.1. Existe-t-il une approche actionnelle de la littérature dans les manuels du
FLE ?
Les études de Totozani (2010), Riquois (2010), Kalinowska (2010) et Godard
(2015) nous offrent la possibilité de voir l´impact du Cadre dans les méthodes «qui
clament l´appartenance, partielle ou entière, àapproche actionnelle de 2004 à 2010»
(Totozani, 2011, p. 175). Les arguments en faveur de la littérature semblent être partagés
par les concepteurs de manuels. En effet, les textes littéraires sont présents dans de
nombreux titres et sont associés à diverses activités pédagogiques. Cette représentation
de la littérature ne garantit toutefois pas que les textes soient exploités de manière à
respecter leur caractère littéraire. Leur apprentissage implique des activités pédagogiques
plutôt orientées vers le plaisir du texte et mettant en valeur leur caractère littéraire du
texte, mais les manuels proposent-ils ce genre d´exploitation? En effet, nous nous
demandons quels sont les objectifs pédagogiques du texte littéraire?
Rond Point8 (2004) y apparaît comme la première méthode FLE de l´approche
actionnelle basée sur l´apprentissage par les tâches. Toutes les études vont dans le même
sens, il y a une réelle volonté que le texte littéraire trouve sa place dans la didactique des
langues et qu´il soit un lieu de rencontre avec autrui. Citons par exemple le manuel Écho
qui aborde la littérature d´une manière actionnelle, non pas de manière thématique mais
par projet.
Anne Godard (2015, p. 139) montre l´absence du texte littéraire dans les premiers
niveaux car leur bagage linguistique ne le permet pas. À ce sujet, l´étude d´Estelle Riquois
(2010) nous accorde des données plus précises sur la question:
Logiquement, les textes littéraires sont plus nombreux dans les manuels de niveau 4. Au
niveau 1, on observe un pourcentage de 2,2 % de pages présentant un document littéraire
(une reproduction de couverture et/ou un texte appartenant à la littérature). Ce pourcentage
double au niveau 2 pour atteindre 4,6 %, puis 9,2 % au niveau 3 et enfin 13,6 % au dernier
niveau. Signalons néanmoins que dans quelques manuels des niveaux 1 et 2, les auteurs ont
fait le choix de ne pas utiliser le texte littéraire, ce qui peut expliquer en partie le faible
pourcentage que nous venons de signaler (p. 249).
8 Monique Denyer (2004, p. 3) dans le Guide pédagogique Rond Point explique: «Chaque unité de la
présente méthode propose donc à l’apprenant la réalisation d’une tâche. Il doit, par exemple, organiser un
voyage en groupe, discuter des problèmes d’une ville et proposer des solutions, ou organiser une fête
d’anniversaire. Pour pouvoir effectuer cette tâche, il a évidemment besoin de ressources lexicales et
grammaticales que le manuel lui fournit, lui apprend à comprendre, d’abord, à utiliser, ensuite».
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Cette même auteure cerne les objectifs du texte littéraire en fonction du moment
dans lequel il est traité et de sa place dans l´unité didactique. Elle précise que lorsque la
littérature apparaît dans les premiers niveaux, elle apparaît comme «une substitution
littéraire», c’est-à-dire, comme un document évoquant la littérature sans vraiment l´être
biographies, photos, couvertures, illustrations. Il serait légitime de se demander si cette
façon d’aborder la littérature porte ses fruits. Il est intéressant de voir quels sont les
objectifs du texte en fonction de sa place dans l’unité didactique: en début de séquence,
le texte littéraire joue souvent un rôle d’élément déclencheur; en milieu de leçon il servira
pour travailler la langue; les rubriques de civilisation créées à la fin de l´unité seront des
supports culturels. Sa fonction culturelle et interculturelle est aussi soulevée. Le texte
littéraire, d´après le CECR, doit permettre un agir social.
Une nouvelle mise à jour des bienfaits du texte littéraire, nous permet d´affirmer
que celui-ci représente une source linguistique et culturelle inappréciable, mais aussi, de
par son rôle interculturel, une résurgence sociale qui s´inscrit dans le cadre de méthode
surgissant de l´approche actionnelle, facilitant ainsi un faire social, savoir-faire social?
L´exploitation des textes se limite trop souvent à de simples exercices de compréhension
«d´une simplicité gênante» (Kalinowska, 2010, p. 223) ou des exercices de grammaire
pour améliorer la langue. «Des extraits littéraires donnés dans le but d´un dépouillement
exclusivement grammatical ou lexical.» (Kalinowska, 2010, p. 223).
La naissance de manuels spécifiques en littérature dans les années 2000 montre le
retour du littéraire dans le champ du FLE. La littérature progressive du français (Clé
International, 2004), en trois niveaux, fournit un questionnaire traditionnel structuré en
trois parties (compréhension, analyse et expression). Cette méthodologie reste très proche
de la manière d´enseigner la langue maternelle. Littérature en dialogue (Clé International,
2005) propose des extraits adaptés sous formes de dialogues qui s´éloignent assez du texte
original. Ces anthologies littéraires pour le FLE présentent en définitive des groupements
de textes par niveaux cependant la méthodologie reste beaucoup trop scolaire et très peu
communicative. À ce sujet, Godart (2015) conseille aux méthodologues de s´écarter de la
méthodologie traditionnelle car «les textes classiques ne se prêtent pas moins à des
approches renouvelées». (p.158).
5.2. Une mauvaise compréhension du CECR
Au premier abord, une certaine ambivalence se crée. En effet, le Cadre décrit les
bienfaits de la littérature nationale et étrangère bien qu´il ne semble pas la conseiller tout
au long de l´apprentissage. Comment cerner ce que veut nous dire ce document tout en
sachant qu´une mauvaise interprétation de celui-ci pourrait nous induire à des
malentendus? Comment interpréter ce qui est dit et comment l’appliquer? Godard et
Puren soutiennent qu´il y a eu une mauvaise interprétation par les didacticiens et les
pédagogues. Et comme nous avons pu voir précédemment, cette mauvaise compréhension
a aussi joué un rôle dans l´élaboration de manuels qui ont tenu compte de ce qui a été
prôné par les institutions. Deux erreurs semblent s´être commises: premièrement attribuer
une place au cadre qui ne lui revient pas, celle de guide ou de prescripteur; deuxièmement,
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le manque d´exhaustivité qui ne doit pas se confondre avec une imposition ou un rejet
total du littéraire dès les premiers niveaux, mais qu´au contraire celui-ci ne peut être
compris que s´il n´est pas introduit dès le début :
L´absence de la littérature pour les niveaux débutants ne signifie pas qu´elle ne doit pas
être abordée. Le CECR n´est pas exhaustif, et les chapitres consacrés aux échelles de
niveaux ont une vocation de description, non de prescription. Une lecture erronée de
l´ouvrage peut donner le sentiment que les auteurs réservent les textes littéraires aux
niveaux avancés, mais ils mettent en garde d´emblée contre une telle approche du CECR.
(Godard, 2015, p. 136)
5.3 Le CARAP comme prolongement du CECR en matière de compétence
plurilingue
Le CARAP (Cadre de Référence pour les Approches Plurielles des Langues et des
Cultures) publié par le Conseil de l’Europe en 2012 est un projet promu par le CELV9
dont le CECR est le point de départ et la référence principale. Il s’inscrit dans la lignée
du CECR et il a l’ambition de proposer la synthèse des quatre approches plurielles
émergées pendant les trente dernières années : l’approche interculturelle, l’éveil aux
langues, l’intercompréhension entre les langues parentes et la didactique intégrée des
langues. Conçu comme le prolongement du CECR en matière de compétence plurilingue,
il envisage l’éducation langagière comme un outil constitué par l’interdépendance de
plusieurs langues permettant à l’apprenant d’agir dans un environnement multilingue.
Bien que le CECR plaçait au cœur de sa réflexion la compétence plurilingue et
interculturelle, en réalité les échelles de compétences présentées langue par langue ne
fournissent pas à l´apprenant ce dont il a besoin pour articuler les apprentissages des
différentes langues apprises. Ceci est déjà reflété dans le Volume complémentaire
(Conseil de l’Europe, 2018, p. 29).
Toutefois, et malgré l'intérêt suscité par le CARAP en tant qu'instrument descriptif
de la compétence plurilingue et pluriculturelle, il faudra attendre 2018 pour trouver des
descripteurs spécifiques traitant la littérature à part entière.
6. LE VOLUME COMPLÉMENTAIRE
Entre la version 2001 du CECR et son Volume complémentaire (Conseil de
l’Europe, 2018), on retrouve peu d’éléments centrés sur la littérature. Le Volume avait
pour objectif fondamental de créer et mettre à jour les descripteurs du CECR où aucune
échelle n’y était proposée. Ainsi, on y retrouve de nouveaux descripteurs pour la
littérature, la médiation, l’interaction en ligne et la phonologie. Dans trois des quatre
modes de communication du CECR, nous trouvons des descripteurs littéraires: la
réception, la production et la médiation; l’interaction étant exclue.
9 Centre européen pour les langues vivantes (CELV) est situé à Graz, en Autriche, depuis 1994. Sa mission
est de soutenir les Etats membres dans la mise en pratique de politiques linguistiques. https://www.ecml.at/.
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Au sein de la réception, les activités sont divisées en trois types de compréhension:
de l’oral, audiovisuelle et de l’écrit. Dans la compréhension générale de l’écrit, le Volume
distingue parmi comprendre la correspondance, lire pour s’orienter, lire pour s’informer
et discuter, lire des instructions et lire comme activité de loisir. (Volume, 2018). La
littérature serait placée à l’intérieur de lire comme activité de loisir. Pour cela faire, et
tout en considérant la littérature comme un élément traité, trois nouvelles échelles ont été
créées pour aborder le texte créatif et littéraire, l’une dans la réception et deux autres dans
la production comme réaction à la lecture pour le plaisir (Conseil de l’Europe, 2018, p.
68).
En ce qui concerne la médiation, la compréhension générale de l’écrit fait une claire
différence entre la lecture des textes pour s’orienter et lire comme activité de loisir, située
cette dernière à la fin des catégories de lecture uniquement après son ajout en 2017
(Volume, 2018, p. 63):
Exprimer une réaction personnelle à l’égard de textes créatifs, dont la littérature
(moins intellectuel, niveaux inférieurs)
Analyser et formuler des critiques littéraires, dont la littérature (plus intellectuel,
niveaux supérieurs)
Dans chacun des descripteurs, la littérature ne constitue pas un centre d’intérêt
exclusif, elle est davantage située en marge des descripteurs à vocation généraliste. La
plupart des descripteurs réservent la compétence littéraire à des utilisateurs expérimentés
(C1 et C2) dotés de compétences expertes et enclins à un entraînement sur des tâches
complexes. La compréhension de romans simples apparait au niveau B1 et les poèmes et
chansons en B2 comme activité de loisir. L’écriture de poèmes courts et simples se
présente en A2 comme écriture créative. Dès le niveau A2, l’apprenant est capable
d’exprimer ses sentiments sur une œuvre littéraire de façon élémentaire. Il en ressort que
les contours de la littérature exprimés dans les descripteurs des deux versions du CECR
sont flous et peu précis. Nulle part la littérarité n’est mentionnée de manière explicite
comme si cette ressource pour l’apprentissage de la langue-culture devait se limiter
seulement à des caractéristiques communes à tous les documents littéraires. Concernant
les nouveaux descripteurs de la littérature, Maurer et Puren (2019) affirment:
Comme pour les grilles de compétence pluriculturelle, on peut vraiment se demander pour
cette nouvelle grille, comme pour les autres portant sur la littérature, si les auteurs du VC
pensaient vraiment qu’elles allaient être utilisées dans des épreuves de certification, ou si
leur publication n’est pas plutôt une simple opération de marketing destinée à rajeunir
l’image du CECR et à élargir le public visé, pour que les organismes de certification
puissent continuer à maintenir le CECR de manière crédible au centre de leur business
model (p. 140).
Pourtant l’introduction des deux nouveaux descripteurs relatifs aux textes créatifs
laissait présager une ouverture à la prise en compte des spécificités des textes littéraires.
En définitive, bien que la littérature soit intégrée dans le Volume complémentaire, elle
reste peu présente dans les premiers niveaux. En réalité, elle fait partie des savoirs
(Conseil de l’Europe, 2018, p. 92) socioculturels que les apprenants doivent maîtriser car
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il ne suffit pas d’apprendre une langue sans s’imprégner de la culture. Et la littérature est
l’un des meilleurs outils pour rendre compte des pratiques culturelles.
7. CONCLUSION
La littérature, «partout pour tous» nous dit Defays en 2014, car ses bienfaits sont,
comme nous avons vu innombrables, et «il n´est plus question de savoir si on fait de la
littérature ou non, mais de savoir quelle littérature choisir». Le texte littéraire enrichit
nos classes de langues tout en formant linguistiquement nos élèves qui apprennent à se
connaître tout en cultivant le respect interculturel d’autrui.
Cette étude a montré la prise en compte fluctuante de la littérature dans l’histoire
des méthodologies d’enseignement des langues vivantes. Nous avons constaté que les
textes littéraires étaient peu nombreux aux niveaux A1 et A2 mais un peu plus présents
aux niveaux B1 et B2, à croire que ce type de documents riches culturellement requiert
un haut degré de maîtrise de la langue et demeure hermétiques aux apprenants débutants.
Aujourd’hui, les rapports entre l’enseignement et la littérature semblent être mieux
réglés grâce à une meilleure compréhension du CECR et, surtout, à la création de
nouveaux descripteurs littéraires dans le Volume complémentaire. À nous d´imaginer un
enseignement où la littérature et la langue, comme piliers fondamentaux de
l´enseignement, puissent cohabiter. Le renouveau en didactique des langues et des
cultures est à l´ordre du jour, le bien-fondé de la littérature aussi. À nous de savoir bien
l´interpréter. L´œuvre littéraire, comme laboratoire langagier, trouve, à présent, sa place
dans la didactique des langues et est l´un des meilleurs moyens de communication
permettant d´enrichir nos exploitations littéraires du fait de sa spécificité comme texte
littéraire.
La perspective actionnelle prône l'apprentissage des langues de manière
collaborative en faveur d'une action dite sociale. Les apprenants ne sont plus lecteurs, ni
auteurs, mais agents littéraires dans le champ social de la littérature. Ainsi, la perspective
de l'agir social ouvre de nouvelles pistes de recherches pour l'enseignement des langues
et la didactique de la littérature.
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